Expérimentant différentes techniques et différents formats au gré des séries, Sylvain Dubrunfaut articule toute son œuvre autour de la question du portrait. On s’interroge alors légitimement sur ce qu’un peintre contemporain apporte à une telle tradition picturale millénaire. Comment reproduire un visage ? Comment rendre compte d’un individu par la peinture ? La ressemblance est-elle gage de qualité ? Peut-il y avoir une forme de justesse dans le portrait ou y a-t-il toujours subjectivité inaliénable du regard ?
S’il
pose sur les corps et les gestes un regard aiguisé par l’observation de modèles
sur le vif, le passage à la peinture est surtout précédé par la réalisation ou
la sélection de photographies et de vidéos. Filtrée par le regard du peintre,
le mécanisme photographique ou digital puis par la peinture, la réalité
contenue dans la ressemblance du modèle se délite et l’échec est attendu.
Pourtant, dès le premier regard on comprend qu’il saisit dans l’instantanéité
que permettent ces outils, toute la richesse des expressions, des mouvements et
des cadrages qui font la particularité de ses productions.
Parce que les femmes et les hommes saisis par la pellicule ou la captation vidéo ne sont pas objectivés, parce que l’œuvre se veut fenêtre ouverte sur la complexité de l’individu dans un moment et non copie inanimée aspirant à saisir la totalité d’un être, les portraits de Sylvain Dubrunfaut nous font toucher aux subtilités de l’âme humaine. Ils nous interrogent à la fois dans un rapport aux autres et un rapport à soi en nous plaçant comme interlocuteur, voyeur ou même sujet pouvant dialoguer, observer ou s’identifier et se projeter à la place du modèle. Même de dos ou le visage couvert, le primas du mimétisme cède sa place à la véracité des sensations et des émotions dépeintes.
Antoine Champenois, mars 2021
Pour la galerie du Lendemain, Paris